Les Volontaires ONU Charlie Bartlett (à gauche) et Caroline Kamau (à droite) interagissant lors de la formation CDLF (Installation de développement des capacités et dʼapprentissage, CDLF en anglais) 2022 organisée par le bureau du programme VNU au Kenya au Safari Park Hotel à Nairobi.
Les Volontaires ONU Charlie Bartlett (à gauche) et Caroline Kamau (à droite) interagissant lors de la formation CDLF (Installation de développement des capacités et dʼapprentissage, CDLF en anglais) 2022 organisée par le bureau du programme VNU au Kenya au Safari Park Hotel à Nairobi.

La solidarité intergénérationnelle pour lʼaction climatique – conversation

Une étude récente, intitulée Intergenerational inequities in exposure to climate extremes (Les inégalités intergénérationnelles dans lʼexposition aux extrêmes climatiques), a estimé que les enfants nés en 2020 connaîtront une augmentation de deux à sept fois des événements climatiques extrêmes, en particulier les vagues de chaleur, par rapport aux personnes nées en 1960, dans le cadre des engagements actuels en matière de politique climatique. Cette année, la Journée internationale de la jeunesse , le 12 août, met en lumière le potentiel de la solidarité intergénérationnelle pour faire progresser les objectifs de développement durable, conformément au rapport « Notre programme commun » qui, entre autres, invite les décideurs politiques à écouter les jeunes et à travailler avec eux.

Pour promouvoir la solidarité intergénérationnelle, deux Volontaires ONU en poste au Programme des Nations Unies pour lʼenvironnement (PNUE) au Kenya se sont rencontrés lors dʼune session de formation organisée par le bureau du programme VNU au Kenya. Charlie Bartlett, 68 ans, originaire de Grande-Bretagne, travaille à la Division des écosystèmes du PNUE en tant que rédacteur et éditeur, tandis que Caroline Kamau, 24 ans, originaire du Kenya, travaille à la Section des solutions dʼentreprise de la Division des services dʼentreprise du PNUE en tant que développeur de systèmes dʼinformation et dʼapprentissage automatique, principalement pour le développement de la Plateforme numérique du Partenariat mondial sur les déchets marins (GPML).

Ils ont partagé leurs réflexions, leurs craintes et leurs perspectives sur les changements climatiques et lʼavenir de lʼhumanité. 

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Caroline : Cette année, le thème de la Journée de la jeunesse est la solidarité intergénérationnelle. Quʼest-ce qui vous vient à lʼesprit quand vous entendez ça ?

Charlie : Que nous sommes liés, et que nous avons des responsabilités mutuelles. Nous vivons tous sur la même planète et sommes confrontés à des défis communs malgré nos différences dʼâge, et nous ne pouvons les résoudre quʼensemble. Il y a aussi la question de lʼéquité. Les pays développés – et ma génération dans ces pays – portent une lourde responsabilité dans les crises du climat, de la biodiversité et de la pollution auxquelles nous sommes actuellement confrontés. Nous devons encourager les jeunes générations à faire entendre leur voix.

 

Caroline : À votre avis, quʼest-ce qui est à lʼorigine des problèmes climatiques auxquels le monde est confronté aujourdʼhui 

Charlie : Je pense que notre génération avait une façon erronée et matérialiste de mesurer le succès et le bonheur, et nous vous lʼavons transmise. Nous avons exploité la nature sans la nourrir suffisamment et, malheureusement, votre génération et vos enfants devront trouver des solutions innovantes aux nombreux problèmes sociaux, environnementaux et économiques auxquels le monde est actuellement confronté.

 

Caroline : Cʼest triste.

Charlie : Malheureusement, cʼest la réalité. Mais nous ne pouvons pas perdre espoir pour demain. Les êtres humains sont inventifs à lʼinfini et, lorsque la situation se dégradera, je pense quʼils feront les bons changements pour assurer la survie de la race humaine.

Caroline Kamau (left) and Charlie Bartlett (right) during their conversation on intergenerational solidarity for climate action at the UNV Kenya CDLF training event.
Caroline Kamau (à gauche) et Charlie Bartlett (à droite) pendant leur conversation sur la solidarité intergénérationnelle pour lʼaction climatique lors de lʼévénement de formation CDLF2022 du programme VNU au Kenya

Caroline : Quels changements avez-vous constatés au cours des 50 dernières années ?

Charlie : Plus de prospérité en termes matériels et plus dʼinégalités. Jʼai également constaté une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, une dégradation des sols, une forte hausse des niveaux de pollution de lʼair et de lʼeau, ainsi quʼune perte de biodiversité : un million dʼespèces sont menacées dʼextinction. On estime que 80 % des eaux usées ne sont pas traitées et que nous déversons du plastique et dʼautres polluants dans lʼocéan à un rythme sans précédent. Nous devons être beaucoup plus conscients du rôle de la nature dans le maintien de la vie humaine.

La bonne nouvelle est que les perceptions changent, bien que lentement. Lorsque j’étais enfant, personne ne parlait des changements climatiques. Il y avait une absence totale de sensibilisation aux dangers des combustibles fossiles – nous n’en voyions que les avantages. Aujourdʼhui, les changements climatiques ont été portés au premier plan du discours politique. --Charlie Bartlett

 

Caroline : Trop de gens souffrent encore de la faim. Selon un récent rapport de lʼOrganisation des Nations Unies pour lʼalimentation et lʼagriculture, « pas moins de 828 millions de personnes » ont été touchées par la faim dans le monde en 2021. Comment assurer une transition juste vers un monde plus égalitaire ?

Charlie : Nous devons écouter ce que nous disent les scientifiques. Nous devons transformer les systèmes alimentaires pour freiner le réchauffement de la planète, la perte de biodiversité et la pollution. Un bon point de départ est le site Web du PNUE , ainsi que le nouveau livre de George Monbiot, Regenesis.

 

Caroline : Mais je pense aussi que nous pouvons tirer parti de la puissance des réseaux sociaux, nʼest-ce pas ? Avez-vous un compte sur les réseaux sociaux ?

Charlie : En fait, jʼai des comptes sur les réseaux sociaux, mais je ne les utilise pas assez efficacement. Je suis dʼaccord pour dire que les réseaux sociaux ont un énorme potentiel pour aider à créer les changements que nous devons mettre en œuvre dans les dix ans à venir pour réaliser le programme de développement durable: De nos jours, 90 % des informations consommées par les jeunes le sont par le biais dʼapplications mobiles. Mais il nous faut également appliquer une pression politique pour obliger les gouvernements à agir. Les militants pour le climat peuvent faire la différence. Nous sommes encore loin dʼavoir atteint les objectifs de développement durable.

 

Charlie : Permettez-moi également de vous poser quelques questions. En tant que jeune, êtes-vous optimiste ou inquiète quant à lʼavenir de lʼhumanité et à la santé des écosystèmes de la Terre ?

Caroline : Jʼai peur et je suis inquiète pour lʼavenir car notre génération est beaucoup plus importante, estimée à environ 8 milliards de personnes, par rapport aux 5 milliards de personnes de votre génération. Cela signifie que nous avons le potentiel de causer des dommages encore plus importants que ceux de votre génération si nous nʼintervenons pas et ne prenons pas les mesures nécessaires.

Mais plus que la peur, je suis optimiste : en tant que jeunes, nous pourrions tirer parti de notre nombre et faire la différence pour protéger et préserver notre planète, en adoptant des modes de vie plus durables et en faisant des efforts pour parvenir à une économie circulaire. --Caroline Kamau

Charlie Bartlett (left) and Caroline Kamau (right) interacting after their conversation on intergenerational solidarity for climate action at the UNV Kenya CDLF2022 training event. Listening in (centre) is one of the training facilitators.
Charlie (à gauche) et Caroline (à droite) après leur conversation sur la solidarité intergénérationnelle pour lʼaction climatique lors de lʼévénement de formation CDLF2022 du programme VNU au Kenya. Au centre, lʼun des animateurs de la formation, qui écoute.

Charlie : Pensez-vous que les jeunes dʼaujourdʼhui sont prêts à prendre les mesures climatiques que ma génération nʼa pas prises – comme utiliser le vélo ou les transports publics pour se rendre au travail plutôt que la voiture, réduire la consommation de viande ou prendre moins lʼavion pour limiter les émissions de carbone?

Caroline : Je pense quʼil y a aujourdʼhui plus de jeunes qui sont conscients de la situation climatique et qui sont prêts à faire preuve de davantage de volonté et de vigilance dans leurs actions que votre génération. Ce qui leur manque, ce sont des modèles, des mentors et des conseils pour les inspirer.  La majorité de leurs modèles sont axés sur la prospérité matérielle et prennent des décisions sans évaluer lʼimpact de leurs décisions sur la nature. Ils ne bénéficient pas non plus dʼun environnement politique favorable. Par exemple, pourquoi prendrais-je un vélo pour aller travailler sʼil nʼy a pas dʼinfrastructure favorable ? Lʼaction individuelle seule ne fera pas la différence, ce dont nous avons vraiment besoin, cʼest dʼun changement systémique, qui ne peut être réalisé quʼau niveau politique. Les décideurs politiques doivent afficher davantage de volonté en matière dʼaction climatique.

 

Charlie : Avez-vous parfois lʼimpression que les politiciens font semblant de tenir compte des opinions des jeunes militants pour le climat, mais quʼils nʼen tiennent pas compte dans la pratique ? Si oui, que peut-on faire à ce sujet ?

Caroline : Je pense que la clé, comme le dit Greta Thunberg , est de se concentrer sur la science et de mettre en évidence les dommages causés par les entreprises et les gouvernements qui, par exemple, subventionnent les combustibles fossiles et les systèmes alimentaires défaillants. Les jeunes doivent être concentrés, résilients, actifs et persuasifs pour promouvoir les dernières découvertes scientifiques auprès des gouvernements. Ils doivent également jouer leur rôle en choisissant des dirigeants, voire en devenant des dirigeants prêts à adopter des politiques qui protégeront notre planète.

 

Caroline : De votre point de vue, quel est votre message à la jeune génération dʼaujourdʼhui ? Pensez-vous vraiment que nous parviendrons un jour à un développement véritablement durable et équitable ?

Charlie : Margaret Mead a dit un jour : Ne doutez jamais quʼun petit groupe dʼindividus réfléchis et engagés puisse changer le monde. Chaque petit geste compte, et je pense que cʼest un message essentiel pour tous les jeunes. Vous ne devez jamais vous sentir impuissants. Soyez actif politiquement et faites du bénévolat dès que vous en avez lʼoccasion. Commencez par votre communauté locale Comme lʼa déclaré le Secrétaire général des Nations Unies lors du Forum annuel de la jeunesse de lʼECOSOC au début de lʼannée : « Continuez à pousser, à vous mobiliser, à apporter vos idées sur la table... nous nʼavons pas de temps à perdre ».

 

Caroline : Existe-t-il des actions concrètes que les jeunes peuvent prendre immédiatement pour changer les choses ?

Charlie : Oui. Vivre simplement et durablement est un bon point de départ.

Devenir des consommateurs plus conscients, de la façon dont nous mangeons, dont nous voyageons, dont nous utilisons lʼeau et l’énergie, jusquʼaux produits que nous achetons. Nʼoubliez pas que toute consommation est liée à lʼutilisation de ressources et de main-dʼœuvre quelque part dans le monde. Nous pouvons tous choisir de voter avec nos portefeuilles, pour lʼavenir que nous voulons. En outre, apprenez-en plus et partagez largement vos connaissances. Renforcez vos connaissances afin de pouvoir convaincre les autres. Montre-vous audacieux et collaborez les uns avec les autres. Vous pouvez montrer lʼexemple par vos propres actions durables. Faites entendre votre voix. --Charlie Bartlett