Luis Moreno Cabrales (Espagne) est un Volontaire des Nations Unies, administrateur adjoint chargé de la détermination du statut de réfugié travaillant pour le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Rabat, au Maroc. En tant que travailleur social, Luis s’est consacré aux réfugiés pendant presque toute sa vie professionnelle, non seulement en Espagne dans le cadre du système national d’accueil des demandeurs et des bénéficiaires de la protection internationale, mais aussi à l’étranger. Sa mission est entièrement financée par le Gouvernement espagnol.
Au quotidien, mon rôle consiste à aider les demandeurs d’asile à étayer leur demande. Il s’agit de mener un entretien avec les demandeurs d’asile au Maroc pour connaître les raisons pour lesquelles ils demandent une protection internationale et, sur la base de leurs déclarations, d’évaluer leur cas afin de formuler une recommandation sur l’acceptation de leur demande.
Ma mission est une mission très intéressante. D’une part, parce que j’ai l’occasion d’écouter des histoires de vie incroyables, marquées par beaucoup de souffrance et d’injustice, mais qui témoignent également du courage, de la ténacité et de la dignité de ces personnes que j’admire et respecte profondément. D’autre part, ce travail me permet de découvrir la situation de nombreux pays, leur culture, leur mode de vie et les conflits qu’ils traversent. J’ai l’impression d’avoir voyagé dans de nombreux pays sans quitter mon bureau.
Au cours de l’entretien, j’essaie de créer un climat propice pour que les demandeurs d’asile puissent se souvenir de toute leur histoire et me donner le plus de détails possible sur ce qu’ils ont vécu. J’essaie également d’élucider les parties de leur histoire qui sont moins claires ou qui nécessitent plus de détails. C’est la partie la plus difficile, mais aussi celle que j’aime le plus.
Je dois en effet écouter des expériences très douloureuses que je ne souhaite à personne de vivre. Pourtant, ces personnes me font confiance pour me raconter leurs histoires, qu’elles n’ont sûrement pas partagées avec beaucoup de gens, même avec leurs proches. C’est l’occasion pour eux de laisser sortir ce qu’ils ont refoulé à l’intérieur et de repartir sur de nouvelles bases. C’est aussi l’occasion pour eux d’être écoutés avec respect, car leur histoire mérite d’être entendue. -- Luis Moreno Cabrales, Volontaire des Nations Unies, administrateur adjoint chargé de la détermination du statut de réfugié au HCR, Maroc
Ensuite, je procède à une analyse complète pour prouver la crédibilité de leur histoire, mettre en évidence les éléments de preuve que j’ai pu trouver, et analyser la situation dans leur pays d’origine pour expliquer pourquoi ils ne peuvent pas revenir.
Depuis le début de ma mission de Volontaire des Nations Unies, j’ai mené 122 entretiens avec des personnes de plus de 12 nationalités, aux profils différents : LGBT, dissidents politiques, victimes de conflits ethniques, personnes fuyant des conflits armés et mineurs non accompagnés. J’ai formulé 98 recommandations sur le statut de ces personnes. Les personnes que j’ai aidées à obtenir la reconnaissance du statut de réfugié jouissent désormais de la sécurité juridique au Maroc et du soutien des services de protection du HCR.
On demande souvent aux Volontaires des Nations Unies de définir en un mot ce que signifie le volontariat pour eux. Je dis toujours que c’est une situation gagnant-gagnant. D’une part, je me sens utile : j’ai pu mettre mon expérience et mes connaissances au service de cette cause. D’autre part, j’ai beaucoup appris et j’ai vécu des expériences humaines qui m’ont beaucoup enrichi. -- Luis Moreno Cabrales
Les personnes que je rencontre chaque jour sont une source d’inspiration pour aller de l’avant et savoir que les êtres humains peuvent surmonter de nombreuses situations. Cela m’a également aidé à prendre conscience de l’injustice qui existe dans de nombreuses régions du monde et m’a motivé à continuer à me battre pour un monde plus juste.
Une fois, j’ai dû mener un entretien avec un demandeur d’asile qui m’a demandé beaucoup de tact et de patience, car c’était la première fois de sa vie que cette personne parlait à quelqu’un de son orientation sexuelle. À la fin de l’entretien, il m’a dit : « J’ai toujours pensé qu’il était normal que les gens me détestent et me maltraitent parce que je suis comme je suis. Mais aujourd’hui, vous m’avez écouté avec respect et attention, et j’ai compris qu’il n’est pas normal que les gens me détestent et me maltraitent parce que je suis ce que je suis. Je vous donne la médaille de la première personne qui m’a traité avec respect dans la vie. »
Cette médaille invisible que ce réfugié m’a donnée est la meilleure récompense que je puisse obtenir de cette expérience de volontariat.